mars 29, 2024

Affaiblissement du #CNRS : ll faut agir – Les personnels doivent prendre leur avenir en main.

Oui ! La politique du gouvernement a pour conséquence « L’étiolement programmé du CNRS, symptôme du dédain gouvernemental pour la recherche »[1].

Le SNTRS-CGT soutient la proposition de convoquer en Session extraordinaire le Comité national de la recherche scientifique. C’est une étape indispensable pour l’expression des revendications des personnels pendant cette période critique du CNRS.

Le financement de la recherche par appel à projet s’apparente de plus en plus à une loterie

Répondre aux appels d’offres de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est devenu la triste routine au sein de nos laboratoires. Pourtant, l’ANR avec un budget jonglant entre les 400 et 800 millions d’euros depuis plusieurs années, n’assure un taux de succès des demandes de financement qu’entre 10 % et 15 %.

Quelle masse d’efforts inutiles déployés pour la rédaction et l’évaluation de l’ensemble des projets refusés. C’est d’autant plus inefficace qu’un projet de recherche fondamentale prend dans le meilleur des cas plus de quatre ans et que les durées de financements des appels à projets les dépassent rarement. Le programme a donc de grandes chances de ne pas aboutir si son financement n’est pas prolongé ou renouvelé.

Il faut donc multiplier les demandes d’argent auprès d’autres appels d’offres, la plupart provenant d’associations ou fondations qui répondent avant tout aux attentes du grand public ainsi qu’aux entreprises mécènes. Les appels d’offres issus des structures financées par le PIA se multiplient aussi.  Les évaluations de ces dernières sont souvent tout aussi obscures dépendant essentiellement d’opérations de lobbying auprès des différentes instances de gouvernance ou d’expertise.

Le niveau de résistance des personnels de la recherche publique est héroïque. Ils perçoivent une rémunération ridicule par rapport au nombre d’années d’études passées à se former. Ils subissent une évaluation et une pression permanente par leurs tutelles ou leur hiérarchie et persistent à vouloir publier dans les journaux les plus côtés de la planète. Ils sont en quête permanente de financement pour ne serait-ce que travailler. Pour beaucoup d’entre eux, ils assurent la gestion de structures de recherche ou encore de l’enseignement. Jusqu’à quand cela peut-il encore durer ?

L’hémorragie d’emplois rend exsangue le CNRS :

Entre 2005 et 2017 c’est l’ensemble des recrutements qui sont dans le rouge : en 12 ans, le CNRS a perdu 4% de ses effectifs de titulaires et 18% de ses effectifs de contractuels.

Pour les 4 années à venir, la Direction du CNRS annonce un plan de recrutement annuel de 250 chercheurs et 310 ingénieurs et techniciens permanents qui ne compenseront que 93% des départs définitifs. Dans le même temps le CNRS emploie annuellement près de 7000 contractuels (équivalents temps plein travaillé).

Le projet de loi de transformation de la Fonction Publique veut rendre encore plus facile le recours aux contractuels dans la fonction publique. Non seulement la fin du contrat se décréterait au bon vouloir des porteurs de projets ou de leur hiérarchie mais la loi permettrait dans la fonction publique d’Étatde recruter directement en contrats à durée indéterminée (CDI) sur emploi permanent dans toutes les catégories A, B, C et pour toutes les fonctions. Seuls les personnels de la recherche en seraient exclus. Les financements sur appels à projets qui vont connaître un développement sans précédent au travers des politiques de sites vont être de plus en plus déterminants pour le recrutement des personnels aussi bien des titulaires que de CDD de quelques semaines. Il faut enrayer cette spirale de la précarité pour les personnels, les équipes, les programmes de recherche.

Pour seulement compenser les départs définitifs et combler l’érosion de ses effectifs qui sévit depuis 2005, le CNRS devrait recruter annuellement 380 chargés de recherche et 580 ingénieurs et techniciens sur une période d’au moins 5 ans (équivalent de 90 millions € par an pour une subvention pour charge de service public (SCSP) de 2 629,9 millions !). Ces recrutements permettraient d’enrayer le déclin de l’établissement.

Il faut aller au-delà pour stabiliser les contractuels travaillant sur des fonctions pérennes, pour développer l’ensemble des missions de recherche du CNRS et que ce dernier puisse répondre aux besoins de la connaissance et du développement de la société.

Les intentions du PDG du CNRS sont claires : réduire les effectifs des personnels permanents pour donner la « possibilité de recruter des non permanents » qui, selon lui, peuvent donner « une dynamique et une capacité à initier de nouveaux projets qui est totalement différente ». Mais de quelle dynamique s’agit-il? Celle de produire des « innovations » transférables directement sur le marché ? Pour le SNTRS-CGT, les organismes nationaux de recherche publique n’ont pas vocation à offrir leurs laboratoires en sous-traitance aux entreprises. Les travaux en commun doivent passer par de véritables collaborations évaluées sur la qualité scientifique des projets.

Le CNRS est appelé à se faire hara-kiri en se diluant dans les regroupements territoriaux. Le Ministère veut lui laisser une place de strapontin en le réduisant à une structure de coordination de programmes décidés par des groupes d’experts au sein du Ministère. Il oblitère ainsi la nécessité d’une politique nationale de recherche dont les principaux acteurs, en France, sont les organismes nationaux de recherche. Le CNRS doit conserver les moyens de sa propre politique scientifique.

Pour assurer toutes leurs missions, les personnels des organismes publics de recherche ont besoin d’une vision à long terme qui leur permette de mener des programmes de recherche jusqu’à leur achèvement. Pour cela, l’État doit garantir :

  • Des recrutements de personnels scientifiques, d’appui et de soutien à la recherche sur des emplois pérennes de fonctionnaires. Le recours aux contractuels ne peut être que marginal et pour assurer de façon transitoire des remplacements ou des fonctions saisonnières ;
  • Des rémunérations et des déroulements de carrière au niveau des qualifications requises pour être recrutés et évoluer dans les métiers de la recherche ;
  • Des financements récurrents aux opérateurs de recherche publique dont les organismes de recherche sont les fers de lance pour que les laboratoires aient les moyens d’entreprendre librement leurs programmes de recherche.
  • Une évaluation transparente de l’activité de recherche des laboratoires par des pairs élus donc reconnus par les personnels.
  • Stopper le scandale du Crédit impôt recherche qui coûte toujours plus cher (6,3 milliards d’euros distribués aux entreprises en 2015) bien que son efficacité en matière de financement de la recherche soit régulièrement mise en cause.
  • Développer une stratégie nationale de la recherche publique développant aussi bien la recherche fondamentale que technologique ou finalisée et soutenant de grands programmes de recherche visant à développer des filières industrielles sur le territoire. Cela ne peut se faire que sur la base de collaborations et coopérations entre laboratoires publics et laboratoires R&D d’entreprises.

[1] Tribune du Monde du 1/12/2018 de 45 présidentes et présidents des sections et commissions interdisciplinaires du Comité national de la recherche scientifique, instance d’évaluation attachée au CNRS,