Nous reproduisons ici la tribune paru dans le journal Libération
Nous, professeurs, chercheurs et personnels du Collège de France, décidés à défendre l’Etat de droit et le principe d’égalité sans distinction d’origine, profondément attachés aux valeurs de l’Europe, nous appelons la communauté scientifique et l’ensemble des citoyens à faire barrage aux candidats d’extrême droite lors des deux tours des élections législatives.
Cette position ne résulte pas d’un a priori politique mais du constat que le programme du principal parti de cette mouvance (1), si on le lit bien, porte gravement atteinte à l’indépendance et à l’ouverture internationale de la recherche. Ce programme n’entend pas seulement abolir le droit du sol, réserver les aides sociales aux familles françaises ou privatiser l’audiovisuel public ; il prétend aussi réduire les droits des binationaux et soustraire la France aux contrôles du droit constitutionnel et du droit international dans des domaines aussi essentiels que le regroupement familial et la lutte contre les discriminations. Autant de mesures contraires à nos valeurs.
Nous nous associons à l’appel récemment lancé par 800 chercheurs en santé, avec le soutien des présidents du CNRS, de l’Inserm et de l’Inrae. Mais nous pensons qu’il faut désigner clairement les forces politiques concernées. Les professeurs, chercheurs et collaborateurs du Collège de France, hommes et femmes, en exercice ou émérites, comptent dans leurs rangs des binationaux venus du monde entier. Ils dénoncent le projet de révision de la Constitution défendu par le RN depuis 2022, selon lequel la loi pourrait «interdire l’accès à des emplois des administrations, des entreprises publiques et des personnes morales chargées d’une mission de service public aux personnes qui possèdent la nationalité d’un autre Etat». Au-delà de la sphère scientifique, ils invitent les candidates et candidats aux élections législatives à défendre sans relâche l’Etat de droit et à redoubler d’efforts pour lutter contre la xénophobie, le racisme, l’antisémitisme et les discriminations de toute sorte.
Plus de 200 professeurs, chercheurs, ingénieurs, doctorants et personnels administratifs du Collège de France dont Philippe Aghion, Samantha Besson, Patrick Boucheron, Anne Cheng, Esther Duflo (prix Nobel d’économie en 2019), Didier Fassin, Marc Fontecave, François Héran, Henry Laurens, Antoine Lilti, Pierre-Louis Lions, Vinciane Pirenne-Delforge, Roger Chartier, Pierre Corvol, Philippe Descola, Alain Fischer, Serge Haroche (prix Nobel de physique en 2012), Pierre Rosanvallon, Xavier Jaravel…
Retrouvez ici la liste complète des signataires.
(1) Cet appel entend montrer que les professeurs et le personnel du Collège de France ne se contentent pas d’une position de principe sur les élections législatives mais qu’ils s’appuient sur une analyse du programme de l’extrême droite. Centré sur le monde de la recherche, l’appel vise aussi un objectif plus général : défendre l’Etat de droit. Il n’aborde pas le dilemme entre Nouveau Front populaire et Renaissance, que chacun résoudra en conscience.